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A l’origine de nos malheurs Par Amer Bensidhoum

En cette année anniversaire du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays, une lancinante question de savoir et connaitre les raisons de la dislocation et la décomposition de notre société s’est posée dans toute son acuité. Pendant de longues années, je n’ai cessé de penser et de remuer ma mémoire et je n’ai pu m’empêcher, à la fin, de faire le parallèle entre cette date anniversaire de la libération et les revendications –toujours pendantes- portées par les révoltes quasi permanentes de notre peuple. Assurément, après cinquante ans de luttes politiques ininterrompues depuis l’indépendance, on constate, que l’émancipation du peuple algérien n’est toujours pas achevée et ses aspirations au bonheur de la liberté et la démocratie inassouvies. Alors que s’est-il passé pendant tout ce temps ? Quelles sont les causes de nos maux et l’origine de nos malheurs ainsi que les échecs que le pays n’a cessé de reproduire comme une malédiction qui transcende les générations.

Repassant le film de notre histoire et m’arrêtant aux étapes qui l’ont jalonné, des souvenirs rejaillissent et des événements marquants défilent et me taraudent l’esprit. Les légendes et les faits d’armes authentiques de nos combattants rapportés et décrits par nos ainés avec tant d’émotions et de larmes, cette profusion d’événements a été longtemps éclipsée par l’Histoire Officielle, moins convaincante et qui fait l’éloge des maîtres du moment et ceux qui ont usurpé l’indépendance chèrement payée et falsifié notre Histoire.

Bien avant le déclenchement de la Révolution de Novembre, les prémisses d’une omerta sur les revendications populaires pour l’indépendance, venant des anti nationaux se sont fait sentir, mais le courage et l’abnégation de Boudiaf et ses camarades l’ont jugulé et l’Histoire rapporte qu’au début, juste après la diffusion du contenu de la Plateforme issue du congrès de la Soummam en aout 1956, Djamel Abdelnacer, s’est mis dans une sourde colère, lui qui voyait déjà en l’Algérie une vaste et riche contrée rattachée à la grande Oumma Arabe («tekfina ou tekfikoum» disait-il) et les acquis de la Révolution Nationale de Libération engrangés dans son escarcelle.

Les vents contraires :

La plateforme dite de la Soummam lui déplut globalement, mais la raison de sa colère ce sont surtout les deux résolutions de ce congrès qui lui ôtent toute velléité de mainmise sur la Révolution : la primauté de l’intérieur sur l’extérieur et la primauté du politique sur le militaire.

Devant cette évolution contraire à ses intérêts et desideratas et pour parer à cette incursion inattendue des Moudjahidine dans la politique de mise en œuvre des fondements du futur Etat Algérien, tels qu’annoncés par la proclamation du 1er Novembre 54. Djamel Abdennacer chargea Fethi Dib(*), son responsable des Moukhabarates pour retrouver, en l’absence d’un interlocuteur à sa convenance sur le terrain, la personne sur laquelle il avait déjà jeté son dévolu et noué avec lui auparavant quelques relations, en l’occurrence Ahmed Benbella. Djamel Abdelnacer connaissait suffisamment le tempérament du bonhomme ainsi que les affinités de chacun des éléments du groupe ayant séjourné au Caire avant, pendant et après le déclenchement de la lutte armée et qui furent, par la suite, kidnappés et emprisonnés en France.

Par recoupement d’indices et de faits historiques avérés (*), nous savons maintenant que Djamel Abdennacer ne renonça point et n’abandonna pas l’idée d’asseoir son hégémonie sur la Révolution Algérienne par l’entremise d’Ahmed Benbella et ses amis, connus plus tard sous le vocable de « Clan d’Oujda »(*). Une feuille de route a été donc élaborée et fut dictée aux principaux artisans et bénéficiaires de ce clan. C’est grâce aux éléments de celui-ci qu’il tissa sa maille, notamment avec celui qui deviendra plus tard, son bras armé et accessoirement chef d’Etat Major.

Depuis, et par touches successives, l’Egypte d’un côté et la France de l’autre lui construiront une aura qui servira plus tard de point d’appui à sa quête du pouvoir absolu. Adversaires et amis le considéreront dorénavant comme l’homme du Caire et cette étiquette lui collera à la peau même après sa destitution par ses propres amis en juin 1965. Malgré cette aura surfaite, ses compagnons de détention ne l’ont jamais accepté comme leader, parce qu’ils le considéraient comme le maillon du groupe le plus enclin – politiquement - à la malléabilité; d’où son complexe et sa haine qui les poursuivra, pour certains, jusqu’à la mort.

Les appréhensions des rédacteurs de la plateforme de la Soummam s’avérèrent justifiées. La constitution de l’armée des frontières et l’institution de services aux contours et missions opaques et incertains furent les premiers signes d’une lutte pour l’affaiblissement des combattants de l’intérieur et la réduction de leur poids dans l’échiquier politique ainsi que dans la balance intérieur/extérieur(*).

Engager des batailles et faire face à une armée forte de plus de 600 000 hommes, dotée d’un armement de pointe et le soutien des forces de l’Otan, dont l’aviation, est humainement inimaginable et relève même d’un défi hors du commun.

Les ratissages successifs des maquis avaient mis à mal les réseaux de communication et de soutien de l’ALN et l’hécatombe dans les rangs des moudjahidines ont été sentis avec d’autant plus de douleur que les «frères de l’extérieur» et leur armée des frontières n’ont fait aucun effort ou action susceptibles de desserrer l’étau qui tenaillait les maquis de l’intérieur. Cette armée qui était sensée alimenter les maquis en armes, munitions et hommes valides s’est révélée inepte et inutile. Alors qu’entrainée pour libérer la patrie, elle fut curieusement et cruellement absente des champs de bataille. Les groupes de moudjahidine chargés de la suppléer dans le ravitaillement à partir de la Tunisie et du Maroc subirent – à chaque opération de ravitaillement - d’immenses pertes, allant parfois jusqu'à 70% de leurs effectifs (*).

L’élimination physique directe des élites politiques et militaires de l’intérieur soit par leurs propres «frères de l’extérieur» ou par la fréquence des combats contre l’ennemi, aérèrent les rangs des combattants et les survivants découvrirent avec beaucoup d’amertume que ces «frères de l’extérieur» ne font rien ou, mieux, ne veulent pas abréger leurs souffrances en négociant l’issue de la guerre avant leur totale extermination.

Longtemps tu, l’objectif non avoué assigné à l’armée des frontières par ses initiateurs et qui était la prise de pouvoir par la force, une fois l’indépendance acquise, fut étalé au grand jour après le cessez-le-feu du 18 mars 1962.

«A vaincre sans péril on triomphe sans gloire». L’armée qui s’est approprie la victoire de ses frères de l’intérieur n’à à son actif que le trophée de savoir coudre des galons, à défaut de les mériter aux champs de bataille. Quant à l’Algérie combattante qui a appris à compter, beaucoup plus ses martyres que ses héros survivants, découvre avec stupéfaction une armée qui déferla en grande pompe à partir de Tunisie et du Maroc pour parader dans les rues meurtries d’Alger. Une armée commandée par une pléthore d’officiers et d’officiers supérieurs dont elle n’a jamais entendu parler. Ceux-là même qui n’ont jamais entendu siffler les balles de l’ennemi, ni le vrombissement des bombardiers, ni subi l’effroyable napalm ni livrer bataille face aux autres joyeusetés de l’armée coloniale, tandis que les vrais Moudjahidine, épuisés par plus de sept années de guerre sans merci, souvent en guenilles, furent parqués comme des pestiférés dans des réserves pour espèces en voie d’extinction.

Le Clan d’Oujda s’installa pour de bon:

La sagesse et l’intelligence légendaire de Ferhat Abbas et Benkhedda, l’engagement révolutionnaire de Krim Belkacem, l’intégrité de Boudiaf et le stoïcisme d’Ait Ahmed furent vaincus et submergés par la ruse, la perfidie et les complots du tandem Benbella – Boumediene et leurs comparses. Les Djounouds de l’ALN affaiblis par tant d’épreuves et de dénuements furent écrasés et on assista une nouvelle fois et avec une rare violence, à l’assassinat de Ben Mhidi, Abbane, Lotfi et tous les martyres morts pour la liberté. «Heureux les martyres qui n’ont rien vu» écrivait le Lieutenant Bessaoud. On enterra la plateforme du congrès de la Soummam et du même coup le projet de société d’une Algérie Démocratique, moderne et sociale.

Le monde admiratif devant les immenses sacrifices du peuple Algérien ne doutait pas qu’un clan étranger à la guerre, s’empare du pouvoir et instaure une république sans réels contours politiques ni valeurs morales, il investit les rouages du futur Etat Algérien en le muselant par les milliers de faux moudjahidine, ramenés dans leurs bagages, imposant avec zèle une indue «légitimité révolutionnaire» qui sera transformée plus tard en «famille révolutionnaire». Le peuple de l’intérieur qui est le seul héros de la révolution méritait mieux que quiconque la reconnaissance de la Patrie mais fut délibérément culpabilisé et relégué au rang de traitre et de réactionnaire ! De cet amalgame naquit la gouvernance par l’absurde, l’arnaque et le mensonge permanents. Après l’Algérie Française et ses deux collèges, on a découvert une Algérie indépendante avec ces mêmes strates, mais l’intelligence et l’abnégation en moins.

Cinquante ans de règne sans partage, l’oligarchie issue du «Clan d’Oujda» s’apprête à nous offrir l’ultime cadeau de sa dynastie : l’instauration d’une monarchie médiévale avec des apprêts et autres oripeaux républicains.

Quête de l’algérianité:

Malgré plus de vingt siècles d’occupations et de libérations, de victoires éclatantes et d’échecs cuisants, personne n’a eu raison de notre farouche volonté de rester nous-mêmes. Mieux, cent trente deux ans de colonialisme de peuplement, avec des moyens sans équivalent dans l’histoire universelle n’ont pas réussi à nous transformer en Gaulois ou à nous départir de notre attachement viscéral à nos racines et notre personnalité plusieurs fois millénaires. Mais la politique de diviser pour régner, la cupidité, le narcissisme, l’attrait du pouvoir et surtout la volonté manifeste de plaire à leur mentor – l’Egypte et son Président - leur ont fait oublier leurs origines dont ils cachent honteusement l’appartenance en hésitant de s’en réclamer. Benbella et ses acolytes proclamèrent que dorénavant nous sommes des arabes, des arabes, des arabes…….. Ainsi, d’un simple oukase, ils ont réussi là où de très grands stratèges avaient échoué!

Des bataillons d’approximatifs «SLE» (sait lire et écrire) et une armada de douteux «douctours» déferlèrent et envahirent notre pays emmenant en introduisant dans leur sillage des codes sociaux et communautaires étrangers à nos us et coutumes, et une langue outrageusement tournée vers la liturgie, les rites religieux et les incantations dont nous continuons à payer le prix fort.

Cinquante ans après l’indépendance, et en dépit de budgets pharamineux, la langue arabe qui n’est, en réalité, ni supérieure ni inférieure aux autres langues, est devenue complètement sclérosée par sa propension à dominer et opprimer les autres langues, elle est devenue incapable d’assurer la cohésion sociale et encore moins à véhiculer les progrès technico-économique indispensables au développement. Dans cette fuite en avant, nous continuons de former des cohortes d’analphabètes, et ce n’est pas le leurre de la réussite de quelques rares jeunes à l’étranger, qui pourra cacher notre désastreuse et triste réalité. Pour s’en convaincre, il suffit de poser quelques questions anodines à nos universitaires ou de jeter un coup d’œil sur les documents de nos administrations pour juger l’étendu du désastre: là où on arrive miraculeusement à les déchiffrer, on découvre qu’ils comportent autant de fautes que de mots.

La pensée critique déclarée « haram », les sciences humaines dévalorisées au profit de l’enseignement religieux et les sciences exactes furent revêtues du sceau douteux d’appartenance aux juifs et les occidentaux.

Paradoxalement, seule la Kabylie échappe, à quelques degrés prés, à ce carnage, elle, qui est accusée de faire de l’obstruction et de la résistance, s’échine à rehausser le niveau de cette langue en lui apportant les quelques rares motifs de satisfaction, notamment la rationalité, la pensée universelle et l’entretien correct de son Etat civil.

On ne peut oublier que pour faire face à la revendication identitaire, culturelle et linguistique, les pouvoirs successifs avaient mis en place, même aujourd’hui, un stratagème infaillible : culpabiliser la Kabylie en la désignant comme l’ennemie de l’intérieur, et en exigeant d’elle soumission et justification de son innocence, afin de l’empêcher et la dissuader de continuer sa quête identitaire. Souvent, le régime avance le prétexte tantôt de la main de l’étranger, tantôt de « Hizb França» ou de séquelles de la colonisation. Il feigne d’ignorer que le colonialisme français s’était démené à effacer toute trace de notre Histoire et s’était, de tout temps, opposé à l’enseignement de tamazight qu’il considérait comme le levier de la prise de conscience nationale, contrairement à sa politique vis-à-vis de la langue arabe, qu’il considérait inapte à soulever le peuple au sens moderne des révolutions populaires. De ce point de vue, et obéissant à la politique visant la création du Royaume arabe d’Afrique, cher à Napoléon, les décisions de l’administration militaire datant de 1866 interdisaient le recours à tamazight et n’admettaient que l’interprète arabophone dans ses relations avec les autochtones. Cette démarche ne laisse aucun doute quant à la politique Française en la matière et prouvent, si besoin est, cet acharnement à occulter la dimension amazighe de l’Algérie

De l’enfermement hermétique qui a duré plusieurs décennies, les revendications démocratiques dont la cause amazighe fut, à chaque fois ajournée, soit par la naïveté et le manque d’expérience ou simplement des divisions récurrentes de ses acteurs ou encore leur peur d’attenter, malgré eux, à l’intégrité de la patrie, comme argumenté insidieusement par le pouvoir. Même pendant les années 1990, les Kabyles qui, pour des raisons sociales et historiques, forment l’essentiel des forces démocratiques du pays, avaient refoulé et mis en veilleuse leurs principales revendications pour s’opposer, en priorité, au péril islamiste. Il aura fallu attendre prés de vingt ans après la révolte de 1988 qui a été réprimée dans le sang et les dizaines de milliers d’innocentes victimes, pour comprendre enfin, que le régime Algérien, tout le régime Algérien, n’est qu’un conglomérat d’individus sans commune conviction ni amour de la patrie, ni volonté d’émancipation. Leur seul liant reste la rapine, le pilage et le partage de la rente entre différentes fratries et confréries ainsi que la jouissance démesurée et humiliante du pouvoir.

La soumission et la crainte finissent par êtres vaincues par la ténacité des patriotes et la fin du match fut sifflée en dépit des tirs croisés des inconditionnels et nostalgiques du Parti-Etat et le haro des gorges profondes qui s’élèvent de partout. Le régime et ses multiples porte voix, acculés et dénudés par des vérités historiques authentiques, n’ont pas réussi à couvrir l’hymne à la libération de la parole entamée par le livre de Said Sadi sur le colonel Amirouche, auquel avaient fait échos les vénérables et véritables Moudjahidine ainsi que les vaillants députés du RCD dont Noredine Ait Hamouda et ses amis.

Ni les anathèmes ni la menace et encore moins les imprécations de sa clientèle traditionnelle ne peuvent garantir l’impunité et l’omerta qui entourent leur régime arrivé naturellement à la fin sa course.

La haine de soi :

Pour mieux asseoir leur hégémonie sur l’Algérie et entretenir leur fausse légitimité, le régime s’était attelé à expurger l’Histoire du pays de toute référence à son passé en faisant table rase du patrimoine commun à tous les Algériens et une entreprise implacable de dénaturation du socle identitaire mis en place. Pour cela, il aura fallu anéantir les résistances et trouver quelques têtes de ponts et sous traitants tels le Chaoui Athmane Saadi et surtout les Kabyles Mohamed Cherif Kharroubi, Belaid Abdeslam et quelques porteurs de chandelles de moindres envergures qui dissertaient à longueur de colonnes que pour êtres des Algériens il fallait naître arabes, ou au minimum, regretter d’êtres nés autrement! Cela pour faire avaler la pilule et confirmer une règle imposée par les tenants de l’unicité de pensée, de langue et de religion.

L’adoption d’une nomenclature de prénoms pour l’Etat civil et l’interdit qui frappe les prénoms à connotation amazighe y compris les prénoms des rois et autres personnalités historiques, ont poussé l’outrecuidance jusqu'à changer l’appellation des villes et villages.

Dans le sillage du Printemps Berbère, l’un des seigneurs de l’époque, en l’occurrence Messadia, a déclaré sans vergogne, que dans le cas où il sera obligé d’adopter une seconde langue, il préférerait volontiers l’hébreu à tamazight !

Cet outrage volontaire visait d’abord l’effacement de nos attaches historiques tout comme il tend également à provoquer l’indignation des populations concernées pour mieux les désigner à la vindicte populaire des autres régions d’Algérie et enfin en faire des abcès de fixation qui justifierait leur politique d’apartheid.

Quel qualificatif donner à un régime qui finança et acheta des feuilletons moyens orientaux montrant leur propre aïeule – la Kahina – comme une prostituée des conquérants arabes. L’Algérie ne se remettra jamais de tant de destruction de sa personnalité et qu’on érigeant des stèles au conquérant Okba, on oublie que celui-ci fut tué par un Patriote Algérien qui défendait sa patrie, Koceila.

Le comble fut atteint par un président de la République en exercice qui déclara lors d’un rassemblement électoral: «de loin il voyait les Kabyles comme des lions mais une fois approchés, ils ne sont que des nains». Mesquine réplique et posthume vengeance sur un homme mort depuis longtemps et qui l’aurait traité comme tel en 1957. Mais ce président a sûrement raison s’il n’a connu dans son entourage que des kabyles nains.

De toute manière, on aurait pu croire à un lapsus de sa part ou une «zellete lissan» involontaire, si, durant plusieurs semaines et dans différentes localités, des forces nourries à la haine de soi, le rejet de l’autre et armées politiquement au génocide, n’assassinaient et abattaient sans discernement et avec zèle et préméditation, cent vingt six jeunes et blessaient des milliers d’autres jeunes désarmés qui ne revendiquaient que le droit d’avoir des droits.

Les pitreries politiques qui veulent faire de l’Algérien un gros intestin peuvent retarder l’échéance fatale, mais ne peuvent freiner l’inéluctable marche de l’Histoire et les soulèvements qui succèdent aux révoltes qui embrasent le pays finiront par solder les comptes aux sectes qui ont squatté nos espaces, piétiné notre honneur et nos gloires et usurpé notre droit à l’espérance.

Chantage et grands mensonges :

Le soulèvement populaire d’octobre 1988 marqua la fin des illusions utopiques et les mensonges par lesquels le régime nous a gavés depuis 1962. Il aura suffi d’une chiquenaude pour allumer le brasier et mettre à nu et au grand jour, ses tares, ses inepties et son incapacité à gérer le pays. La révolte ouvrit les portes du changement et nourrit l’espoir de voir enfin l’Algérie prendre son envol et gagner enfin sa place dans le concert des nations démocratiques. C’était compter sans les forces rétrogrades et réfractaires au changement qui infestent et minent les différentes institutions de l’Etat.

Les desseins criminels de ces forces dont le seul but est de se maintenir au pouvoir ont fait le choix d’une seule alternative pour le peuple: choisir entre la peste ou le choléra. Entre la peste d’un FLN définitivement discrédité et le choléra des islamistes, les décideurs ont vite choisi le choléra, qui était, à leurs yeux, le moindre mal et parce qu’ils le croyaient malléable et facile à domestiquer.

Les concessions accordées à la nébuleuse islamiste datent depuis les années soixante dix et les encouragements qui lui sont prodigués obéissent a un objectif claire: s’opposer à la mouvance démocratique emmenée par le mouvement Berbère, seul capable de remettre en cause l’ordre établi. La ruse, moins que l’intelligence des décideurs fut mobilisée pour servir sur un plateau la victoire au FIS : Un code électoral et un mode de scrutin taillés sur mesure et une liberté d’action sans limite, donnèrent au FIS la liberté de crier, menacer et intimider tous les acteurs de la vie politique. Tout en associant Dieu et ses saints aux actes électoraux, il décréta, là où il a pu, que le vote à bulletin secret est illicite et voter pour un autre candidat que celui du FIS est une hérésie, «saoutoukoum amana tousalouna anhou yaoumou el kiyama» proclama t- il sans la moindre gène.

Au lendemain de l’arrêt du processus électoral en janvier 1992 beaucoup de nos partenaires étrangers, malgré quelques réticences et critiques formelles, crurent en la bonne foi de nos décideurs, que cette extrême remise en cause de la « volonté manipulée du peuple » allait aboutir sur un changement profond et radical et permettra l’émergence d’une véritable démocratie dans notre pays. Nous y avons tous cru évidemment.

Que non, l’écartèlement du FIS donna naissance à la révolte armée des plus irréductibles d’entre eux. Cette radicalisation apporta de l’eau au moulin du pouvoir et une légitimation à ses actions les plus insensées.

Le mixage apparent des extrêmes du pouvoir formel (gouvernement) ressemble aux lies des cuves, elles ne possèdent que l’aigreur en commun, car au lieu de rapprocher les différents courants qui traversent la société pour le culte de la paix et la tolérance, le régime les a exacerbés et transformés en antagonismes inconciliables et définitivement irréductibles. C’était une forme subtile de diviser pour régner et leur devise se résume ainsi: ni le FIS ni les Démocrates, c’est nous ou le chaos. A voir l’état de déliquescence et de délabrement de notre société, nous remarquerons que nous sommes en plein dans le chaos, sinon que signifie l’interpellation par la police, de jeunes qui rompent le Jeûne pendant la canicule du mois d’août et quelques mètres plus loin, les mêmes policiers veillent à la quiétude de gros nababs qui se prélassent dans les palaces en sirotant l’eau ferrugineuse de nos meilleurs coteaux ?

Les occidentaux n’acceptent pas de gaieté de cœur de voir s’installer à leur porte une république islamique, mais ne peuvent rester insensibles aux appels de pieds du FIS auquel on a « volé » la victoire. Aux élections législatives de décembre 1991, le FIS avait obtenu dès le premier tour la majorité des sièges de l’APN, soit 188 sièges avec seulement 33% des voix exprimées, et les résultats ainsi validés ne laissent aucun doute sur sa victoire finale.

Les décideurs et leur administration - tétanisés depuis les municipales de juin 90 - souhaitaient certes, une victoire relative du FIS pour punir les récalcitrants du FLN qui ont gardé encore quelques fonds de dignité et de «redjla», mais ne s’attendaient pas à une telle déferlante.

Et depuis, de scandales électoraux aux fraudes non déguisées, les élections ont perdu toute crédibilité au point où le taux réel de participation ne dépassait guère 20% du corps électoral.

Qu’on est-il de la réalité des forces en présence sur le terrain ?

Pour mieux cerner cette situation, prenons deux hypothèses dont la première est déjà confirmée par les résultats du scrutin du 26/12/91 et la seconde projetée virtuellement. Nous prenons les résultats réels du premier tour des élections législatives qui sont comme suit : corps électoral : 14 000 000 d’électeurs inscrits ; nombre de voix exprimées : 9 200 000 voix réparties ainsi : 3 200 000 voix pour le FIS soit 35% avec 200 sièges; 1 600 000 voix pour le FLN soit 18 % avec 15 sièges ; 560 000 voix pour le FFS soit 7 % avec 25 sièges ; 490 000 voix pour le RCD soit 6% avec 00 sièges ; 3 000 000 voix soit 30 % pour les Divers Démocrates ou assimilés avec 00 sièges. Les résultats définitifs avec le mode de scrutin uninominal à deux tours donnent donc une majorité absolue des sièges au FIS avec seulement 35 % des voix exprimées et une minorité insignifiante au parlement pour les 65 % des voix apparentées démocrates ou Anti FIS. La seconde hypothèse, celle d’un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale nous donnera, avec les mêmes proportions de voix, les résultats suivants : FIS : 35 % des voix soit 138 sièges ; FLN : 18 % des voix soit 70 sièges ; FFS : 7 % de voix soit 28 sièges ; RCD : 6 % des voix soit 22 sièges ; Divers Démocrates : 30 % des voix soit 122 sièges. Le rappel de ces chiffres nous renseigne sur le complot et le choix délibéré du mode du scrutin uninominal et renvoie à la volonté manifeste des décideurs de donner la victoire aux petits caïds de quartiers acquis à l’activisme du bazar. On ne peut reprocher au FIS, auquel profite cet amalgame, de vouloir en tirer profit, mais qu’en est il de la classe politique en général et des démocrates en particulier qui n’ont ni démenti la fausse majorité qui a donné la victoire au FIS, ni dénoué l’écheveau de cette canaillerie tant au niveau de l’opinion publique algérienne qu’auprès de nos interlocuteurs étrangers. De cette courte analyse on conviendra que l’islamisme politique en Algérie n’est pas majoritaire et son péril brandi par les décideurs n’est qu’un prétexte pour se pérenniser au pouvoir. L’Algérie se portera bien avec des élections sans fraudes, y compris avec le retour éventuel du FIS, pour peu que les lois de la République soient respectées par tous et les décideurs n’interviennent pas pour fausser la carte politique qui lui permettra de reprendre en main le destin Algérien et le mettre, encore une fois, entre parenthèse.

A. Bensidhoum

A l’origine de nos malheurs Par Amer Bensidhoum
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