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L’heure de vérité le 8 juin 2021.

L’heure de vérité  le 8 juin 2021.
Certaines personnes, souvent animées de bonne foi, m’invitent à ne pas répondre à des interventions à l’évidence suscitées par la volonté de parasiter un moment propice aux débats adultes. Ces propositions sont pertinentes quand les polémiques émanent d’initiatives isolées. Il en va différemment lorsqu’il s’agit de tirs groupés qui plus est visent à éteindre, voiler ou pervertir une vison claire de notre mémoire.
Déterrer des morts pour les enrôler dans une entreprise de falsification de l’histoire n’est jamais très sain. Après les défunts Saïd Dirami, Madjid Cheref et Mohand Aoucheta auxquels furent attribués les pires vilénies, c’est au tour de Idir et de Abderrahmane Si Ahmed de servir de garniture à ce qui relève du révisionnisme culturel. Si l’on n’y prend garde, la pratique va devenir méthode et, pourquoi, pas doctrine, y compris dans une région qui a construit son émancipation sur le fait qu’elle a fait de son agora l’espace où, sous l’effet de l’échange loyal et transparent, se révèle le vrai et le juste.
L’ancienne chanteuse Zahra vient de publier un long texte à propos de l’enregistrement fait par Ferhat Mehenni, Abderrahmane Si Ahmed (qui vient de nous quitter, paix à son âme) - et auquel elle a elle-même participé - des chansons A Vava inou va et Chenoud hemlagh kem, suite à une tournée effectuée en France et prise en charge par l’Amicale des Algériens en Europe. Enregistrement qui défraya la chronique en son temps. Révolté par l’abus, le chanteur Djamal Allam immortalisa le forfait dans sa chanson Tella en dénonçant « les sots incapables de respecter Idir qui chante comme une fontaine».
Dans le deuxième tome de mes mémoires, « la fierté comme viatique », j’ai rapporté cet événement parce qu’il fut la première vraie secousse éthique qui ébranla le groupe de Ben Aknoun, lequel évoluait jusqu’alors dans un univers épargné par les actions douteuses ou les attractions vénales. Dire sereinement une histoire qui n’élude rien et n’édulcore aucune vérité est une pédagogie délicate mais impérative dans un pays où l’on est trop souvent passé de la diabolisation à l’obséquiosité ou la vénération en fonction des évolutions des rapports de force claniques, de la nature des intérêts en jeu ou des modes dans lesquels il faut se couler.
Cet écrit n’est donc pas destiné à répondre sur les faits que du reste l’intervenante ne nie pas. Elle confirme même que l’enregistrement a été déclaré à la SACEM. Sur ce point, il appartiendra aux spécialistes de dire s’il est permis de s’approprier une œuvre et la déclarer à la SACEM à l’insu de l’auteur et de l’interprète. Pour le reste, il y a suffisamment d’acteurs encore de ce monde qui ont vécu le séisme provoqué par un dérapage ayant engendré de douloureux malaises et de sérieux troubles dans nos rangs pendant des mois pour ne pas insister davantage sur le déroulement concret des choses.
Ce qui motive la présente réaction relève d’une problématique bien plus préoccupante. Cette nouvelle dérive qui consiste à faire parler les morts quand il faut maquiller une situation encombrante ou instiller des contre-vérités dans une histoire peu favorable à sa gloire est une pathologie dont il faut guérir nos mœurs politiques. Faire dire aujourd’hui à Idir qu’il ne fut pas affecté par le préjudice qu’il avait subi voire qu’il en aurait été consentant est une offense à sa mémoire. Un an après son décès, il est l’objet d’un recrutement post mortem pour valider un coup tordu qu’il encaissa, certes, avec dignité et responsabilité alors qu’il effectuait son service national. Sitôt sorti en permission, il vint au cours de berbère où nous avions souvent discuté de ce qui venait de lui arriver. Avec l’humour dont il avait le secret, Idir, qui était tout sauf haineux, refusa en effet de donner une suite judiciaire à une affaire qui pouvait être exploitée par le pouvoir en vue de susciter des turbulences dans notre mouvement. Cette sagesse ne l’empêcha pas de déplorer à plusieurs reprises, devant nous, un abus qui venait de faire «d’une pierre trois coups en atteignant Nordine Chenoud, Aït Menguellat et moi-même ».
Et comme si faire endosser cette tentation à un mort ne suffisait pas, on saute sans vergogne sur la disparition toute récente d’un autre homme qui, lui, avait d’ailleurs admis avoir commis une bourde, pour triturer l’histoire. Ce genre de travers nous a couté cher, trop cher. Il nous faut les combattre avec la plus extrême vigueur individuellement et collectivement. Mon livre est dans les librairies depuis plus de trois mois. Abderrahmane Si Ahmed, un confrère qui demeura un ami malgré son retrait de la scène ne fut pas le moins du monde offusqué par la narration de ce malheureux évènement.
Quant à dire que l’enregistrement fut fait en toute bonne foi, il faudrait convaincre l’opinion publique qui a longtemps posé la question de savoir pourquoi il fut imputé à Ait Men, ce qui ne manqua pas d’orienter, heureusement en vain, les regards vers un autre artiste qui n’avait rien demandé et qui n’était impliqué ni de près ni de loin dans la manœuvre.
Par ailleurs, déclarer que tous les artistes ont chanté sous l’égide de l’Amicale des Algériens en Europe dont les nervis avaient pour mission de saccager toutes les activités de l’opposition, c’est faire injure à celles et ceux qui refusèrent de se prêter aux collaborations avec cette milice, à commencer par Idir. Du reste, avant même de découvrir le détournement de Vava inou va et Chenoud, nos amis du Groupe d’études berbères de Vincennes n’apprécièrent que modérément la participation du trio à la tournée.
Enfin, suggérer que l’on a accepté de spolier un artiste parce que l’on devait payer des chambres d’hôtel alors que l’Amicale de Boumediène cornaquait la tournée manque de crédibilité.
Je rappelle dans mon ouvrage que la question qui s’était posée à nous à l’époque était de savoir si nous étions en présence d’une faute de jeunesse ou si nous avions à faire à une faille morale de laquelle allaient jaillir d’autres problèmes qui ne s’encombreraient d’aucun scrupule. La suite des évènements et la légèreté avec laquelle Zahra s’exonère d’une indélicatesse qui nous avait traumatisés viennent confirmer que le pire que nous avions redouté n’était, hélas, pas une vue de l’esprit.
Ecrire des mémoires, c’est rapporter des faits et les restituer dans leur contexte pour permettre aux nouvelles générations de s’inspirer des actes et démarches vertueuses et d’apprendre des erreurs de ses ainés. Je m’astreints à cette tâche avec la plus extrême rigueur. Regarder en face son histoire avec ses épopées et ses zones d’ombre est la seule façon de devenir adulte.
Peu importe celui ou ce qui a inspiré cette sortie. Aujourd’hui plus qu’hier, des femmes s’investissent courageusement dans la vie publique, on aurait aimé que Zahra s’invite à la politique en dehors des cimetières et par d’autres méthodes que celles qui ont tant de fois attenté à notre mémoire.
Tout ceci étant dit, le livre qui compte près de 600 pages relate le parcours de toute une génération qui a marqué son temps et traite de nombreux autres sujets et situations. Il a rencontré son public et c’est bien cela l’essentiel. Mais il ne faut pas cesser de l’affirmer, en Algérie plus qu’ailleurs, il n’y a jamais de mauvais moment pour dire une vérité.
NB : cette dame a d’abord commis un post du même acabit il y environ deux mois avant de le retirer. A l’époque, Abderrahmane Si Ahmed était vivant et bien portant. Nul ne l’a entendu apporter un quelconque crédit à sa thèse. Elle récidive sur le cadavre d’un ami. Dommage.
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