Des avis parfois sincères nous invitent à ne pas accorder trop d’importance aux stratégies intégristes. Voilà qui peut encore éclairer le débat. Le dirigeant du MSP manquait à la meute fondamentaliste lâchée pour bâillonner ou brider le débat public par l’agression, la menace et l’intimidation ou le polluer par l’invective et la désinformation. Il vient de s’inviter au marché de la surenchère intégriste par une interprétation tendancieuse de mes propos tirés d’une interview donnée au bouquet Islamoscope où je disais que dans l’école publique les pires horreurs ont été proférées devant les enfants. J’ai donné l’exemple de la classe de ma fille où l’enseignant apprenait aux élèves qu’un mari avait le droit d’égorger une épouse indocile en commençant par la nuque et en utilisant un couteau mal affuté pour faire durer le supplice. Mon enfant fut si perturbée qu’elle resta prostrée pendant toute la soirée au point où j’en vins à considérer qu’elle couvait une grippe. Le lendemain, la gamine était toujours apathique. Elle finit par nous raconter ce que l’enseignant leur avait dit. L’affaire fit grand bruit car, sitôt alerté, le directeur, pédagogue averti eut tôt fait de mettre de l’ordre dans son établissement.
J’ai raconté cette mésaventure dans les médias et en public une bonne demi douzaine de fois il y a déjà plusieurs années de cela. Des parents d’élèves ou des enseignants ont rapporté dans la presse des dépassements d’une égale sauvagerie, voire pire commis dans l’école publique. Des enfants transformés en indicateurs ont été contraints de dénoncer leurs parents au cas où ils constataient des comportements où attitudes non conformes aux dictats d’enseignants militants qui agissaient en toute impunité. Ces faits régulièrement portés à la connaissance de l’opinion publique ne suscitèrent pas le moindre démenti. On verra pourquoi Monsieur Mokri saute sur l’occasion aujourd’hui.
La télévision El Bilad, de tendance militaro-islamiste, sur laquelle je reviendrai, s’est fait un devoir d’inviter le premier responsable de HMS pour une mise en scène digne des procès daechiens. Le journaliste faisant les questions et les réponses déclara que j’avais dit que les manuels scolaires algériens prescrivaient les horreurs comme celui qu’avaient enduré ma fille et ses petits camarades, ajoutant que lui qui avait étudié dans l’école publique n’avait jamais lu de telles indications dans un livre. Monsieur Makri, tout à son aise, s’indigna qu’un responsable politique construise son discours sur des mensonges et souligna que l’islam n’a jamais prescrit ce genre de chose, laissant implicitement entendre que c’était là le vrai sens de mon intervention. Détaillant sa charge, il expliqua qu’en plus du mensonge, il y avait « crime ». L’utilisation répétée de ce terme suggérait que pareil outrage appelait nécessairement une sentence. Il conclut que c’était là les stratégies mondiales de ceux qui veulent dévaloriser l’islam, précisant que ces gens étaient les laïcs (al âalmaniyines), ce qui, dans sa bouche, est la pire des accusations. Il faut dire que la culpabilité que les islamistes ont collée à ce terme est, hélas, efficace puisqu’il est encore peu ou pas assumé, y compris par des chercheurs qui disent en partager le sens, au motif qu’« il ne faut pas provoquer.»
L’intégralité de mon intervention est sur youtube. A aucun moment il n’a été affirmé que les paroles de l’enseignant de l’école de la Nouvelle ville de Tizi-Ouzou étaient extraites des livres scolaires ni encore moins prescrits par l’islam comme le laissent supposer les insinuations des deux militants présents sur le plateau. J’ai dit que dans l’école publique on a distillé des enseignements dangereux qui ont fini par inspirer plus tard ceux qui feront de ces apprentissages des « leçons de choses ». L’intégriste ne se soucie ni d’éthique ni des moyens. L’essentiel étant de parvenir à ses fins.
Par ailleurs, cette manipulation rappelle une évidence qui gagnerait à être méditée par les démocrates. L’islamiste qui peut avoir de sérieux problèmes avec ses congénères sait aussi être stratège et conjuguer ses efforts quand l’essentiel est en cause.
Quatre procès m’opposent à des agents adhérents ou proches de l’organisation Rachad.
Chacun connaît les animosités qui déchirent cette organisation et HMS. Mais face à « l’ennemi », ils savent se retrouver. Outre cette intelligence stratégique qui fait cruellement défaut au camp démocrate, HMS devait donner des gages car actuellement le socle sacré est ébranlé. Grâce à ceux qui se battent depuis février 2019 pour avertir contre les confusions conceptuelles, les liaisons dangereuses et les tentations suicidaires, la décantation s’est opérée. Gérant d’un islamisme de bazar, HMS devait sortir du bois et participer à la curée car lorsqu’arrive l’heure de vérité, l’islamisme ne peut survivre que dans et par la violence et la duperie. Et ce qui est vrai pour l’islamisme en général l’est encore plus pour le fondamentalisme algérien.
Revenons maintenant à cette chaine El Bilad. C’est cette même chaine qui avait anticipé la provocation dont je fus l’objet en avril 2019. Elle avait installé sur une placette de Béjaïa de grosses caméras et même préparé une table de montage dans un fourgon amené sur place pour mettre en ligne sa vidéo moins de dix minutes après l’incident. La même chaine n’a naturellement rien vu une semaine plus tard quand la population de la région exigeant mon retour sur la ville me réserva un accueil populaire largement rapporté par d’autres medias.
Aujourd’hui, elle offre un plateau à un dirigeant islamiste ( étalon de l’islamo-militarisme ) évoluant comme un poisson dans l’eau dans le système tout en cultivant ses sympathies et reconnaissances envers l’internationale islamiste. Aujourd’hui encore, effet du hasard sans doute, cette chaine n’a pas cherché à vérifier ses allégations. En Algérie plus qu’ailleurs, le minimum déontologique s’imposant à tout journaliste semble totalement proscrit dans l’information islamiste. Mentir, affabuler, inciter au meurtre ou tuer est licite quand il s’agit de faire disparaître les voix qui débusquent l’imposture qui confisque le culte pour assouvir une soif de pouvoir.
Il paraîtrait que l’islamisme est « un spectre » sur lequel délirent des paranoïaques qui veulent déstabiliser une Algérie plurielle qui n’attend que l’élimination des empêcheurs de l’accomplissement de la soumission sacrée pour baigner dans la béatitude.
Est-ce un hasard si cette manœuvre a été commise au moment où l’universitaire Said Djabelkhir, dont le libre arbitre rachète une université largement aliénée, passait devant le tribunal pour avoir exercé son droit ( on serait tenté de dire son devoir) de chercheur digne de ce nom ? Ce procès qui a enflammé la toile dit quelque chose de notre époque.
Dans le présent et le proche avenir, le combat démocratique se déroulera aussi dans les prétoires.