26 Juin 2020
C’est au moment où les citoyens les plus avisés s’interrogent légitimement sur la suite à donner au mouvement du 22 février que le pire arrive. Tous les signaux convergent : l’arbitraire est une stratégie assumée et la fermeture politique s’affiche comme un objectif ouvertement revendiqué par le pouvoir. Cette démarche est malheureusement une impasse pour la nation. Les arrestations opérées pour des motifs dignes des régimes de la guerre froide, la justice aliénée, l’entrave faite à l’activité politique y compris dans l’enceinte des locaux des partis, la mise au pas de la presse…ne laissent pas de place au doute. Il ne faut jamais s’arrêter de dénoncer l’injustice. Est-ce suffisant ? Non. Pourquoi en est-on arrivé là ?
Diabolisée pour des raisons d’ambitions mal maitrisées ou esquivée du fait de l’incompréhension des enjeux, la question de l’organisation et de l’adaptation des méthodes de luttes demandée par la rue nous tombe maintenant dessus avec plus d’acuité. Nous sommes mis en demeure de la trancher dans l’urgence. Comment faire face à cette volonté de replonger le pays dans la congélation politique ; volonté par ailleurs vaine et dangereuse mais pourtant si têtue ?
Les reprises des manifestations, quand elles seront possibles, vont-elles rester ce qu’elles étaient : des démonstrations hebdomadaires où les foules généreuses affrontaient les abus des services de sécurité avant de rentrer chez elles désabusées, faute d’avoir été orientées vers des solutions qui transforment leur rejet en projet ? Les élites vont-elles enfin se hisser à la hauteur des attentes populaires et des exigences dictées par des circonstances historiques exceptionnelles ?
En attendant, deux choses méritent d’être méditées : ce qui était aisément faisable il y a une année est plus difficile à atteindre aujourd’hui et le même travail sera encore plus ardu à accomplir demain. Autre donnée et pas des moindres : le deal militarisme-fondamentalisme qui a stérilisé le pays depuis l’indépendance est de nouveau à l’œuvre.
Trop de temps a été perdu, trop de manœuvres ont prévalu dans un moment de notre existence collective qui appelait humilité et dévouement. Nul ne gagnera à cet aveuglement. D’autres insurrections citoyennes ont connu des hésitations et même des erreurs de parcours. Mais quand ces dernières se répètent et qu’elles perdurent, elles deviennent des choix : ce sont alors des fautes.
Sous tous les cieux, les révolutions qui ont abouti ont été portées par une détermination adossée à une bonne analyse de l’état des lieux et guidées par une lisibilité cohérente des perspectives. Le changement radical ne peut s’accommoder du refus de l’adaptation des moyens de lutte et du rejet d’une organisation horizontale transparente si on veut appréhender dans les meilleures conditions possibles la transition démocratique. Il y va de l’efficacité nationale de la révolution et de sa crédibilité internationale.
Le 25 juin 2020.