19 Juin 2020
Le professeur Mohamed Lakhdar Maougal, dont le passage éclair dans les rangs du MDS n’a laissé pour trace qu’une sorte d’effarouchement à la seule prononciation du mot islamisme, a lancé l’opération avec une révélation tonitruante : « le hirak a démarré un 22 février après une réunion à Paris plus ou moins commanditée par al-Maghribia». Evidemment les accointances de la chaîne avec les tenants de l’état théocratique dans un paysage audiovisuel largement contrôlé par le pouvoir algérien laissent toujours dubitatif.
Pourtant, il n’en fallait pas plus pour crier au loup islamiste, comme on l’avait déjà fait depuis que les marches ont démarré un vendredi après la grande prière. Néanmoins le fracas causé par Maougal n’a pas été bien considérable, vu que la paternité islamiste du mouvement n’avait pas été établie une première fois, malgré des indices qui se voulaient bien plus accablants.
Le chercheur-enseignant Ahmed Bensaada n’aura pas été découragé par ce flop puisqu’il viendra à son tour nous rappeler le rôle joué par Larbi Zitout, la nouvelle star de l’islamisme revu et corrigé façon Rachad. L’auteur d’Arabesque – enquête sur le rôle des Etats-Unis dans les révoltes arabes – dévoile le financement de l’organisation supposée crypto- islamiste par les ONG spécialisées dans le changement de régime. Il ne met pourtant pas en lumière un autre aspect de la vie trépidante du larbin Zitout qui fût membre des services de renseignements algériens en Libye où se trouvait l’historique base Didouche Mourad du Malg.
Voulant peut-être éviter de tomber dans le qui-tue-qui, Bensaada nous conforte cependant dans l’idée que non seulement les milieux islamistes sont depuis longtemps infiltrés par les services algériens dans le cadre de la lutte anti-terroriste, mais que le milieu intellectuel et des maisons d’édition le sont aussi car il faut bien que les enfants de la nomenklatura travaillent. Mis à part ces maigres confirmations, les révélations de l’auteur d’Arabesque sont néanmoins aussi peu convaincantes que la comédie d’espionnage qui porte le même titre mais dont le glamour de Sophia Loren nous tire de l’ennui.
Ce film aurait pu s’intituler « la charge de la brigade légère, très légère ». Nous aurons donc eu droit à une troisième salve. Et c’est Mohamed Bouhamidi, le pétard mouillé comme l’appelait Hachemi Chérif, qui s’est livré à l’exercice pour faire pschitt comme il en a l’accoutumée. Prétendant alerter sur les manœuvres islamistes au sein du hirak qui serait selon lui en difficulté depuis l’élection de Tebboune, il déclare que « pour se dégager de cette impasse du vendredi ces organisations renforcées par des combinaisons avec le youtuber Zitout ont projeté la solution du samedi avec l’obstination à jeter l’Algérie dans le cycle de la stratégie USA-OTAN-Israël et de créer le chaos sans fin sur toutes les lignes de fractures possibles».Terrifiant si ce n’est ce paradoxe que Zitout, Bouhamidi et même Saad Djaffar qui les dénonce sur radio « virus » Corona ont eu et semblent toujours avoir une cible commune : El Hachemi Chérif. Voilà qui recentre sur ce qui apparaît aux yeux ces compères comme une menace plus concrète et plus proche de nous, c’est-à-dire les démocrates et progressistes algériens. Tout cela relativise finalement la gravité du péril otanesque qui menace en réalité plus l’Iran et la Palestine. Quoique l’Algérie ne soit pas immunisée contre les turpitudes occidentales.
Bouhamidi ajoute : «cette situation a mis en crise l’arc de la révolution démocratique » qui serait «revenue au schéma de 2011, celui de l’alliance des courants religieux et des courants modernistes sur le modèle Ghannouchi – Mazouki en Tunisie ou Bradaï et les frères musulmans en Egypte, du Conseil de Transition en Libye et en Syrie» et il feint d’ignorer que nous ne sommes pas dans le même rapport de force, puisque l’Algérie a vaincu le terrorisme islamiste et que même le chef du parti des assassins se tait sur le documentaire de France 5 qui avait failli causer la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et la France, pour une scène où on évoquait les frustrations sexuelles de la jeunesse algérienne.
Il le fait certainement pour des raisons tactiques mais il doit surtout sentir quel est le poids des aspirations démocratiques et progressistes dans la société, toute la société, y compris les couches dont il a prétendu incarner les aspirations. Ce qui n’est pas sans troubler le prétendu communiste Bouhamidi.
Deuxième suspect évident : l’impérialisme. Celui que nous présente Ahmed Bensaada dans son livre-enquête semble un mauvais élève incurable, très facilement démasqué et définitivement un tigre en papier. On se demande encore comment il a pu venir à bout de l’URSS. Dans « qui sont ces ténors autoproclamés du hirak algérien ? » Bensaada évoque les liens avec des « puissances étrangères et organisations américaines, dont le NED (National Endowoment for Democracy) qui finance des organisations activant en Algérie ». Et c’est très facilement grâce à internet, depuis sa cabane au Canada, qu’il a pu prouver que « des groupes qui se trouvent actuellement à la tête du mouvement populaire algérien sont manipulés et financés, depuis des années, par des organisations internationales, comme la Freedom House et NDI » qui sont autant «d’organismes américains d’exportation de la démocratie et impliqués dans les révolutions colorées des années 2000.»
Les pouvoirs serbe, géorgien et ukrainien n’ont pas eu la chance d’avoir pour conseillers des Bensaada aussi perspicaces que Robert Redford dans « les trois jours du Condor » qui aura su mettre à jour un réseau d’espions. Mais complot pour complot pourquoi ne pas imaginer que toutes ces preuves ont été laissées là pour désigner un coupable que même un esprit aussi fainéant que celui de Bensaada pourrait désigner et dont la culpabilité pourrait être approuvée par nos esprits « embrumés » par les pseudo rodomontades anti-impérialistes ?
Toutes ces histoires de complots impérialistes ont fini par embrouiller même le pauvre Lahouari Addi qui déclarait : « les services secrets des monarchies du Golfe et d’Israël ont certainement tenté d’intervenir dans le hirak, mais ils ont échoué. Ils n’ont pas trouvé d’agents locaux en nombre suffisant pour dérailler la protestation. Ceci est à mettre au compte des services de sécurité et de la maturité des algériens.» Il faut toujours se méfier d’interprétations qui feraient exclusivement dépendre l’évolution politique de pressions externes (saoudiennes, émiraties ou françaises pour l’essentiel des commentateurs) déjouée ou pas et dont le rôle est loin d’être toujours décisif.
La démonstration de l’autonomie des évolutions politiques locales a été faîtes à plusieurs reprises (arrêt du processus électoral malgré Mitterrand, intervention militaire à Tiguentourine malgré les pressions américaines…). Et surtout il ne faut pas systématiquement penser que ces évolutions, mêmes autonomes, sont mécaniquement opposées au jeu politique des grandes puissances, en particulier la France et les USA.
Une approche aussi nuancée ne peut pas être assumée par Bouhamidi. Pour lui « certaines ONG internationales tentent d’opposer cette légitimité présumée du hirak à toute solution politique » afin « d’aboutir à une situation de chaos en Algérie ». Et il se drape dans le manteau du dialecticien qui utilise les propos de son adversaire en retournant le Financial Times contre les intérêts impérialistes et le hirak. On ne théorise jamais trop disait souvent El Hachemi Chérif, on théorise bien ou mal. Et Bouhamidi théorise mal. Il n’utilise la dialectique que pour faire un effet de manche sans rien prouver. Il explique ainsi qu’« après les élections de décembre, des leaders du hirak désignaient leur échec à réussir un boycott massivement indiscutable des élections présidentielles. Il ajoute ensuite qu’un enseignant universitaire avait même pointé du doigt l’erreur principale qui était d’avoir attaqué l’ANP de façon si agressive qu’elle ne pouvait que les contrarier. Et comme les impérialistes volent en groupe, il relève que « cette remarque est la même que le reproche fait par Crisis Group aux ONG qui cherchaient à encadrer le mouvement. »
Le fait qu’un universitaire, le Financial Times et l’International Crisis Group partagent la même opinion n’en fait nullement une vérité et ceci n’exempte Bouhamidi d’aucune tare. Lui comme l’universitaire, le Financial Times et l’ICG ne prouvent ni que le boycott a été un échec politique, ni que l’ANP veut contrarier le hirak, ni même que l’impérialisme vise l’ANP. Après tout le Washington Post considère que la composition sociale de l’ANP a permis d’éviter une répression des manifestants et Sharan Grewal de la Brookings Institution appelle « islamistes » et « kabyles » à ne pas se diviser pour éviter la répression. Mais peut-être que ces partisans du chaos et de la diabolisation de l’ANP manquent d’enthousiasme à la tâche, même s’ils considèrent comme le Financial Times que « les leaders militaires au Soudan et en Algérie ralentissent le passage vers une démocratie dans ces pays » ?
Bouhamidi semble trouver dans le Financial Times une source inépuisable d’arguments contre le hirak. Ainsi il brandit, à nouveau, le journal de référence de l’impérialisme : « si les organisations qui portent ces revendications ne sont pas entachées de soupçon de proximité avec le régime, elles semblent représenter principalement la classe moyenne urbaine éduquée» y est-il écrit. Notre professeur se livre alors aux commentaires suivants : « le développement des couches moyennes au sein de notre société devait poser problème à un moment ou un autre », puis il indique que des organisations « vont tout mettre au crédit de ces couches qui continuent à manifester en leur empruntant beaucoup de leurs slogans mais sans jamais leur servir de troupes ni leur transférer leur énergie» avant de se commenter lui-même et d’ajouter « en réalité elles ne leur empruntent pas leurs slogans mais les empruntent à l’air du temps, aux représentations et au langage des médias mondialement dominants » puis de poursuivre sa digression par « c’est parce qu’elles empruntent ces formulations et ces idées qu’elles n’arrivent pas à élaborer leurs propres programmes politiques » et du coup il peut conclure se commentant lui-même : « Parler de hirak aujourd’hui est bien un abus de langage envers ces couches moyennes et ces organisations colorées... les deux ont besoin du hirak pour se réclamer en fait du hirak, c’est-à-dire d’une légitimité populaire qu’ils peuvent opposer à la légalité de l’élection présidentielle.»
Avec Bouhamidi nous sommes loin d’Ibn Rochd commentant Aristote. Quelques mots suffiront à faire la critique de sa critique des classes moyennes assimilées à la 5ème colonne comme d’autres les comparaient aux éperviers du colonialisme. Avec son commentaire du Financial Times nous découvrons un lecteur très éloigné de toute conception universelle de la démocratie. Il semble opposer cette conception universelle de la démocratie à la démocratie produite dans un cadre historique national, comme si l’une et l’autre ne pouvaient pas s’enrichir. Peut-être même que notre pseudo-communiste inclut-il « prolétaires de tous les pays unissez-vous » parmi les slogans qui empruntent à l’air du temps ? Au passage il élude un facteur contrariant dans l’élaboration des programmes politiques en Algérie : la répression qui frappe le hirak et avant lui les forces qui essayaient de produire une alternative démocratique.
Enfin puisqu’il parle d’abus de langage, il doit admettre qu’il est très facile de lui retourner l’argument à propos de ce qu’il appelle « la légalité de l’élection présidentielle ». Mais peut-être parle-t-il de la légalité qui a permis au fils d’Abdelmadjid Tebboune d’être libéré dans l’affaire de la cocaïne comme lui-même avait pu échapper au procès Khalifa ?
En réalité tous les commentaires de Bouhamidi, de Bensaada et de Maougal sur les manipulations de l’islamisme, de l’impérialisme et du hizb frança ne sont pas sans rappeler le film « usuals suspects ». Celui qui dénonce le complot de Keyzer Söze s’avère être le véritable comploteur à la fin.
Yacine Teguia
Membre du bureau national du MDS
Rappelons-nous comme lui aussi reprochait « aux infiltrés du hirak de cibler la présidence, le Ministère de la défense et le FLN. » Rappelons-nous comment il fustigeait ceux qui « veulent orienter la rue contre le premier responsable de l’état-major pour pouvoir pénétrer à l’intérieur de l’institution militaire » expliquant que « de grands pays y sont intéressés car le commandement ne va pas dans leur direction. ». Saadani ne disait-il pas : « Ils voulaient le petit-lait et cachaient le récipient. Le petit-lait c’est l’institution militaire… C’est ce qui est voulu à l’étranger et par leurs relais à l’intérieur … A l’étranger on veut changer l’orientation de l’institution militaire, ses convictions, ses achats d’armes, ses alliances. » Oui, Saadani affirmait avec vigueur qu’il ne voulait pas voir l’ANP changer d’orientation mais nous expliquait, en même temps, que le Sahara est marocain. Est-ce de l’anti-impérialisme que de bafouer les droits du peuple sahraoui ? Est-ce conforme aux orientations de la diplomatie algérienne et de l’ANP ? Est-ce l’héritage des martyrs de la guerre de libération ?
On ne peut pas exclure que les convictions de Bouhamidi et Bensaada soient aussi sujettes à variation que celles de Saadani avec lequel ils partagent tant de choses. L’anti-impérialisme de Saadani est tellement fragile que lorsqu’il était président de l’APN il développait la coopération parlementaire avec l’UE, recevant le Président du parlement européen pour discuter de la libéralisation des échanges commerciaux, c’est-à-dire pour déterminer quels privilèges néocoloniaux allaient être encore accordés à des partenaires si accueillants.
Il organisait même des sessions de formation au profit des membres, fonctionnaires et assistants techniques du parlement avec les parlementaires américains et britanniques.« Une aubaine aussi bien pour l’Algérie que pour les USA » s’enthousiasmait-il, lui si prompt à se saisir des opportunités.
Naturellement les ONG dénoncées par Bensaada et Bouhamidi étaient là pour assurer le service après-vente de ces formations. Les pratiques et les propos de Saadani ainsi que le silence complice des intellectuels organiques du nouveau pouvoir nous montrent toute la vacuité de leurs arguments et ne réussiront pas à faire confondre aux algériens fidélité à la mémoire des martyrs et avilissement auprès du pouvoir politique.
La proximité idéologique de Saadani encombre Bensaada et Bouhamidi. Mais ils doivent en rendre compte jusqu’au bout. Partagent-ils aussi l’idée qu’il y aurait une lutte au sein de l’ANP ? Après tout Saadani avait dénoncé les manœuvres de ceux qui « dépendent de l’état profond parce qu’ils ont été écartés ».
Ces luttes, réelles ou supposées, entre Gaïd Salah et Médiène ainsi que les propos de Saadani ne portent-ils pas des risques d’ingérence bien plus concrets que ceux qu’ils prêtent au hirak ? Pourquoi n’avaient-ils pas dénoncé depuis des années ceux qu'Amar Saadani désigne comme les tenants d’une récupération du hirak, voire ses initiateurs ? Les luttes remontent pourtant à 2013 explique le général Médiène qui rappelle qu’il avait été évincé parce qu’il voulait lancer des poursuites dans le cadre de l’affaire Sonatrach.
N’a-t-il pas aussi été condamné, en plus de ses réunions ou rencontres avec le conseiller du Président encore en exercice et le Président Zeroual, pour avoir échangé avec des responsables des services de sécurité français et américains à l’école de tourisme de Aïn Bénian ? Chose qu’il a formellement démenti durant son procès, ce qui signifie que ces très graves accusations ont été inventées par le tribunal militaire.
Est-ce que ces faits, la rencontre ou les fausses accusations, ne sont pas le véritable révélateur de l’état dans lequel est plongé le pays depuis longtemps et qui favorise l’ingérence étrangère contre laquelle avertissent Bensaada et Bouhamidi bien tardivement ? En vérité l’arrivée de Bouteflika à la Présidence constitue le véritable chaos constructif si cher aux USA dans leur stratégie de nation Building. Tout le reste n’est que la conséquence de ce choix qui remonte à bien avant le 22 février 2019. Choix imposé aux algériens par ceux qui avaient porté leur préférence sur « le moins mauvais ».
S’il y a complot contre l’Algérie on devrait le faire remonter, au moins, à ce moment. Mais Bouhamidi considère que l’action des ONG et la mutation du hirak datent de la confirmation « des arrestations de plusieurs dirigeants de l’état (premiers ministres, ministres, généraux, oligarques) » où selon lui « la mobilisation populaire a connu une très forte décrue » Après les présidentielles « la crise venait de se résoudre » et « émergeaient alors toutes les autre crises : culturelles, économiques, sociales, linguistiques, voire ethniques.»
Exit les manifestations des familles des victimes du terrorisme islamiste dès 1999, le printemps noir en 2001, l’émergence des syndicats autonomes à partir de 2003, le mouvement des chômeurs, les harragas, les pères de famille qui s’immolent par le feu, les réformes de la Constitution pour y inscrire tamazight en tant que langue nationale, puis « officielle elle aussi », l’ascension du boycott électoral années après années. Rien de tout cela n’existait avant le 29 avril 2019 ! Car Bouhamidi est très précis même si il semble avoir un grave problème avec l’histoire des luttes démocratiques. Et les baltaguias envoyés très tôt contre les manifestants démocrates et progressistes aux cris de Harrachia islamiya, anticipation de Badissia Novembria semblent plus perturber sa chronologie que le hirak. Est-ce que ce sont les ONG favorables au changement de régime qui les ont envoyé contre les classes moyennes de la 5ème colonne ? Ou est-ce qu’ils n’étaient pas plutôt les habituels hommes de main du pouvoir ?
Bouhamidi ne peut pas parler d’une solution politique et affirmer que la question du pouvoir a été réglée le 12/12. L’élection de Tebboune, à l’évidence, n’a apporté aucune solution aux différentes attentes, même pas celles de ceux qui ont voté pour lui, dans l’espoir d’un changement en bon ordre. Ils n’ont ni le changement, ni l’ordre. Et si la question du pouvoir est toujours au coeur même de la crise, c’est qu’avec elle se pose la question de l’arbitraire. L’arbitraire par lequel a été imposé Tebboune mais aussi l’arbitraire avec lequel le pouvoir répond aux différentes crises sectorielles ou ponctuelles.
Cet arbitraire est national, même s’il est aussi le reflet d’un arbitraire au plan international. Du coup ni la crise du pouvoir ni la crise nationale ne sont réglées, ce qui laisse ouverte la question de la place du militaire dans le champs politique national. Car c’est là que se situe l’arbitraire. Et tant que cette question n’est pas formellement réglée le hirak devra se battre.
Hadj Nacer a raison quand il proclame que : « le hirak fonctionne comme un ordinateur quantique, il a sa logique à lui qui n’a rien à voir avec celle de ceux qui ont voulu le lancer ». Mais il est hâtif de conclure comme l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie qu’« au départ il pouvait apparaître comme une énième manipulation. Mais au lieu d’être utilisé, ou de légitimer un arbitrage entre les clans, considérant que les instances d’arbitrage ont été détruites au sommet de l’état, le hirak s’est émancipé et il est devenu un lieu d’expression de différents intervenants politiques mais surtout le lieu d’expression d’une population qui a retrouvé la parole politique, faisant montre dans ce domaine d’une maturité qu’on ne lui soupçonnait pas, c’est-à-dire qu’au lieu d’être manipulée, la population est devenue un acteur. » C’est certes la volonté du hirak, elle reste encore à concrétiser en mettant fin à l’arbitraire qu’on tente toujours de lui imposer.
L’agression contre le hirak perpétrée par Bouhamidi et Bensaada, justifie et prolonge la répression du hirak par le pouvoir. Elle souligne ainsi ce qui reste à accomplir. Mais elle pose aussi une question. Pourquoi relancer des attaques déjà opérées au début du hirak, entre autre à travers l’article de notre professeur installé au Canada qui s’interrogeait sur « Bellaloufi, le RAJ et l’importation de la démocratie » ? Contrairement à ce qu’écrit Bouhamidi le pouvoir de Tebboune n’est pas si conforté. Et c’est bien à chaque fois que le pouvoir chancelle que ces nervis intellectuels tentent de culpabiliser et de diviser le hirak en lui reprochant de faire le jeu des uns ou des autres. Et on peut penser, qu’une fois encore, ils obtiendront non pas la division du hirak mais sa remobilisation.
A l’issue d’une crise nationale et internationale à l’occasion de laquelle pour la première fois l’ANP n’a pas joué de rôle essentiel, les algériens ont su faire la part entre leurs engagements dans le hirak et les risques sanitaires aussi bien qu’entre leur pratique religieuse et les exigences de lutte contre le covid-19, se mobilisant contre la pandémie de façon citoyenne. Au premier rang se situaient le corps soignant mais aussi les commerçants, qui ont affronté un risque sanitaire considérable pour assurer leurs missions. Ces citoyens sont largement constitutifs des classes moyennes, dont la radicalisation aux côtés des couches populaires les plus défavorisées fait trembler le pouvoir.
Yacine Teguia
Membre du bureau national du MDS